Lettre aux diocésains sur l’importance de l’Eucharistie et le rétablissement du culte public.
Chers frères et sœurs,
nous venons d’entrer dans une nouvelle période de confinement. A nouveau, il ne nous sera pas possible, à partir du mardi 3 novembre, de rassembler les fidèles dans nos églises pour la célébration communautaire de notre foi qu’est la sainte Eucharistie.
Il ne s’agit pas pour moi de nier la particulière contagiosité de ce virus, ni de minimiser les risques que cette épidémie fait courir, en particulier aux plus âgés et aux plus fragiles, encore moins d’ignorer le risque d’engorgement de nos services de réanimation, mettant à mal un personnel soignant épuisé et insuffisant, pour cause de politiques de santé déficientes et imprévoyantes depuis des années. Il reste qu’une telle restriction imposée aux cultes m’apparaît disproportionnée par rapport au risque sanitaire, quand écoles, collèges, lycées, grandes surfaces, pas seulement alimentaires, services publics, transports en communs restent ouverts. D’ailleurs, aucun « cluster » n’est jamais né dans nos assemblées liturgiques et pour cause : nous participons à l’effort national depuis des mois, par une application loyale des précautions sanitaires, nos assemblées sont disciplinées et, hélas en bien des endroits, pas assez nombreuses pour empêcher la distanciation physique requise. C’est donc la liberté de culte qui me semble une fois encore attentée. La décision du Conseil d’Etat du 18 mai 2020 pourrait ainsi faire jurisprudence.
Pour l’heure, nous devrons nous conformer à la règle fixée par le Gouvernement dans le décret N° 2020-1310 du 29 octobre 2020, tant que tous les recours légaux possibles ne seront pas épuisés.
L’importance vitale de l’Eucharistie
En attendant, cela nous amène à reconsidérer la place que nous accordons à l’Eucharistie dans notre vie chrétienne. Dans un passé encore récent, on a eu tendance à opposer de manière spécieuse l’engagement social et caritatif au culte, réduit souvent à une compréhension très extérieure du terme. Sous prétexte d’une pratique sacramentelle, dont on a dénoncé hâtivement le caractère légaliste ou pharisaïque, on a fini par se convaincre que la pratique de la charité envers autrui valait largement la fidélité à la messe dominicale. Parce que nous n’avons pas su garder à l’Eucharistie sa place centrale, pourtant rappelée sur tous les tons par le Concile Vatican II – « L’Eucharistie est le sommet et la source de la vie chrétienne » –, le nombre des pratiquants réguliers a considérablement diminué, en particulier ces dernières années, et nous ne devons pas nous étonner que l’opinion publique et le Gouvernement ne lui accordent aucune importance dans la vie sociale.
Raison de plus pour témoigner à la face du monde de l’importance vitale que nous accordons à la participation à l’Eucharistie, participation consciente, active et fructueuse. Et ce n’est certes pas en s’accommodant facilement d’en être privés, fût-ce pour raison sanitaire, que le monde le comprendra. Elle fait d’ailleurs l’objet du premier commandement de l’Eglise : « Les dimanches Messes entendras et les Fêtes pareillement » (cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique n. 2042). Ce précepte dominical, dont nous pouvons être dispensé par l’autorité de l’Eglise en cas de force majeure, nous permet d’accomplir en plénitude le troisième commandement de Dieu, dont nous ne saurions jamais être dispensés par aucune autorité humaine : « Tu sanctifieras le jour du Seigneur » (cf.Catéchisme de l’Eglise catholique nn. 2168-2195).
Nous sommes faits pour la vie éternelle
Sommes-nous assez convaincus que le bien le plus précieux que nous recherchons est la vie éternelle ? C’est la finalité dernière de notre vie, à laquelle sont ordonnés tous les biens de notre existence terrestre : les biens matériels et la reconnaissance par les autres de notre dignité, un certain pouvoir sur les choses créées et les personnes qui nous sont confiées, la santé et le bien-être corporel, la justice et l’amitié, le pardon et la réconciliation, la connaissance de la vérité et la paix avec autrui (cf. Mt 5, 1-12). Tout est ordonné à la vie éternelle qui consiste à voir Dieu et à vivre éternellement dans son amitié : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3).
La Solennité de la Toussaint vient nous le rappeler de manière éloquente. Les saints sont ceux qui, à l’école des Béatitudes, sont entrés définitivement dans le Royaume des Cieux. Et le Royaume des Cieux est comparable à du grain semé dans un champ ou bien une graine de sénevé, comme Jésus nous l’enseigne en paraboles. Ce qui signifie qu’il est une réalité intérieure semée dans notre cœur, appelée à germer, à croître et à porter du fruit pour les autres jusqu’à entrer dans la plénitude de Dieu. Le Royaume des Cieux a été semé dans nos cœurs, au jour de notre baptême, par le don de la foi qui est appelé à grandir jusqu’à s’épanouir dans la vision de Dieu : « Bien-aimés, dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3, 2). C’est le sens du dialogue initial du ministre du baptême avec les parents : « Que demandez-vous à l’Eglise de Dieu ? – La Foi. Et que vous procure la foi ? – La vie éternelle ».
L’Eucharistie est le Pain de la vie éternelle
Voilà pourquoi nous croyons à l’importance vitale de l’Eucharistie dans notre vie. L’Eucharistie est le « Pain de vie ». Sans elle, nous ne pouvons pas obtenir la vie éternelle : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde […] Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 51. 53-54). L’eucharistie dominicale est donc plus qu’obligatoire, elle est vitale et donc essentielle à la vie du chrétien. C’est en elle, « sacramentum caritatis – sacrement de l’amour », que nous puisons la charité que nous sommes appelés à déployer autour de nous, envers tous, à commencer par les plus petits et les plus pauvres. Qu’on songe par exemple au témoignage lumineux de sainte Mère Teresa : « Reconnaissez et adorez Jésus dans l’hostie et vous le reconnaîtrez et le servirez dans les pauvres ».
Sommes-nous prêts à tout sacrifier, y compris la santé ou la vie, pour acquérir le trésor de la vie éternelle ? C’est la grande question que nous pourrions nous poser en cette fête de Toussaint et en cette grande Commémoration de tous les fidèles défunts, précisément en ces temps d’épreuve où pèsent sur nous, et le risque sanitaire et la menace terroriste islamiste. N’oublions pas la dernière béatitude, celle qui purifie au creuset l’or de notre sainteté : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés » (Mt 5, 10-12). Pensons aux martyrs d’Abitène, au IV° s, mourant sous les coups de leurs bourreaux en s’écriant : « Sans l’Eucharistie, nous ne pouvons pas vivre » !
Carlo Acutis, apôtre de l’Eucharistie
Il y a un saint très actuel auquel nous pourrions recourir particulièrement pour prendre mieux conscience de l’importance vitale de l’Eucharistie dans notre vie, c’est le bienheureux Carlo Acutis. Ce jeune italien, fils unique d’une famille aisée de Milan, est né en 1991 et a été emporté par une leucémie foudroyante, le 12 octobre 2006. Il a été béatifié le 11 octobre 2020 à Assise. C’est l’apôtre par excellence de l’Eucharistie : depuis sa première communion, il participait tous les jours à l’Eucharistie et consacrait, avant ou après la messe, un temps quotidien à l’adoration. Ce fut le secret de sa sainteté, faite de vertus héroïques dans l’ordinaire de sa vie, en particulier dans les souffrances de sa maladie, de charité exemplaire envers les plus pauvres de son quartier qui accoururent en foule à son enterrement, de zèle missionnaire pour faire connaître Jésus et en particulier l’Eucharistie par le moyen d’Internet dont il fut un génial utilisateur : il laisse une exposition sur les miracles eucharistiques qui continue aujourd’hui à faire le tour du monde.
Quelques paroles de lui seront à même de nous convaincre : « L’Eucharistie, c’est l’autoroute du Ciel… Plus nous communierons, plus nous deviendrons semblables à Jésus et déjà sur cette terre nous aurons un avant-goût du Paradis… Si l’on approche de l’Eucharistie tous les jours, on va droit au Paradis… Quand nous nous mettons devant le soleil, nous bronzons. Lorsque nous nous mettons devant Jésus-Eucharistie, nous devenons des saints ».
Au soir de sa vie, à 15 ans, aux prises avec d’atroces souffrances, il disait à ses parents : « J’offre toutes les souffrances que je dois supporter, pour le Pape et pour l’Eglise, pour aller directement au Ciel, sans passer par le Purgatoire » ; et encore : « Papa, maman, je vis déjà mon purgatoire et je veux aller droit au Ciel ». L’Eucharistie avait fait son œuvre : le fruit était mûr pour la moisson !
Une neuvaine à Carlo Acutis du 3 au 11 novembre 2020
Je voudrais donc vous proposer de faire une neuvaine au Bienheureux Carlo Acutis, pour lui demander de faire grandir en nous le sens et la ferveur eucharistiques et pour obtenir au plus vite le retour à la célébration publique de la messe dans nos églises.
Nous prierons avec lui la Vierge Marie, Reine de tous les saints, en qui il avait une dévotion si tendre, qu’il disait son chapelet tous les jours. Il disait : « Après la Sainte Eucharistie, le Saint Rosaire est l’arme la plus puissante pour combattre le diable… Le Rosaire est le plus court chemin pour monter au Ciel… ».
Je vous propose de prier cette neuvaine à partir du mardi 3 novembre et de la conclure le mercredi 11 novembre, en la fête de Saint Martin, apôtre des Gaules et aussi apôtre de l’Eucharistie, qui lui inspira ce que l’on appelle sa seconde charité, dans la cathédrale de Tours, alors qu’il se préparait comme évêque à célébrer les saints mystères.
Chaque jour, on pourra dire une dizaine de chapelet à l’intention de la neuvaine, conclue par la prière au Bienheureux Carlo Acutis :
Dieu notre Père,
Toi qui nous as donnés le témoignage ardent du jeune Bienheureux Carlo Acutis, qui fit de l’Eucharistie le centre de sa vie et la force de son engagement quotidien pour que les autres aussi T’aiment plus que tout. Fais qu’il puisse être bientôt élevé parmi les Saints de Ton Église. Confirme ma Foi, augmente mon Espérance, vivifie ma Charité, à l’exemple de Carlo, qui, en grandissant imprégné de ces vertus, vit désormais auprès de Toi. Accorde-moi la grâce dont j’ai tant besoin : une plus grande ferveur eucharistique et le rétablissement au plus vite de la célébration publique de la Messe – Je m’en remets à Toi, mon Père, à Ton doux Fils Jésus, dans la puissance du Saint Esprit ; je me confie à la Vierge Marie, notre si douce Mère, et à l’intercession du Bienheureux Carlo Acutis. Amen.
En vous souhaitant une belle fête de la Toussaint et une fervente prière pour vos défunts, je vous assure de mes sentiments dévoués et fraternels et de ma prière. Que Dieu vous bénisse et que la Vierge Marie vous protège et vous garde dans la foi, l’espérance et la charité !
+ Marc AILLET
Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron
31 octobre 2020