Communiqué de Mgr Marc Aillet

COMMUNIQUE DE MGR MARC AILLET EVEQUE DE BAYONNE, LESCAR ET OLORON SUITE AUX ANNONCES DU PREMIER MINISTRE CONCERNANT LE DECONFINEMENT

Hier, le Premier ministre, en présentant son plan de déconfinement devant l’Assemblée Nationale, a déclaré : « Quant aux lieux de culte, je sais l’impatience des communautés religieuses. Les lieux de culte pourront continuer à rester ouverts. Mais je crois qu’il est légitime de leur demander de ne pas organiser de cérémonies avant le 2 juin. Les cérémonies funéraires resteront évidemment autorisées, comme aujourd’hui dans la limite de 20 personnes. Les cimetières seront à nouveau ouverts au public dès le 11 mai ». Je partage la déception du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France qui « prend acte avec regret de cette date qui est imposée » aux catholiques et aux autres religions. Elle apparaît même comme un manque de respect envers les croyants. On peut en effet s’interroger sur le bien-fondé d’une telle décision qui ne semble pas cohérente avec la reprise annoncée de l’école, des entreprises, des transports en commun, des commerces, de la vie sociale en bien de ses aspects, comme la vie culturelle (médiathèques, bibliothèques, petits musées).

Les évêques de France avaient pourtant présenté au Gouvernement, vendredi 24 avril dernier, un plan de déconfinement qui encadrait de manière stricte, du point de vue des précautions sanitaires, la reprise progressive des célébrations publiques, à partir du 11 mai. C’est ainsi que le Conseil permanent précise : « Nous partageons le souci du Gouvernement de limiter au maximum la circulation de l’épidémie, mais nous voyons mal que la pratique ordinaire de la messe favorise la propagation du virus et gène le respect des gestes barrières plus que bien des activités qui reprendront bientôt ».

Il ne s’agit pas pour autant de contester l’autorité de l’Etat : c’est son rôle de présider au Bien commun et de prendre toutes les mesures indispensables à la protection sanitaire des citoyens. D’ailleurs, durant toute la période du confinement, les catholiques ont fait preuve d’un civisme exemplaire, en participant à l’effort de solidarité nationale pour protéger leurs concitoyens, à commencer par les plus fragiles, et ainsi venir en aide aux personnels soignants souvent débordés par manque cruel de moyens, sans doute en raison d’un virus particulièrement contagieux, mais aussi, il faut le dire, de politiques de santé et d’imprévoyances graves depuis plus d’une décennie. Ce faisant, les fidèles de l’Eglise catholique ont accepté de lourds sacrifices, en renonçant à se rassembler dans leurs églises pour les sacrements, et ce, au moment le plus important de la vie chrétienne que sont les fêtes de Pâques, comme à accompagner plus dignement leurs défunts. La célébration communautaire des sacrements est vitale et indispensable pour les chrétiens ! En outre, comme le souligne le Conseil permanent : « La dimension spirituelle et religieuse de l’être humain contribue, nous en sommes persuadés, à la paix des cœurs, à la force dans l’épreuve, à la fraternité entre les personnes, et à toute la vie sociale ».

Il est donc permis de s’interroger sur la pertinence d’une décision aussi abrupte et sans nuances, quand la reprise de la vie sociale est conditionnée par des principes, pourtant sagement exposés par le Premier Ministre, marqués au coin de la flexibilité et de la souplesse : « Vivre avec le virus (protéger, tester, isoler), agir progressivement, adapter localement ». Pourquoi ces principes ne pourraient-ils pas s’appliquer aux célébrations religieuses ? C’est illisible. Cela pourrait même constituer une atteinte à la liberté socio-civique des cultes, partie essentielle du droit fondamental à la liberté religieuse, garantie par la Constitution française. Nous avons bien conscience que l’exercice de ce droit est encadré dans les justes limites de l’ordre public, et c’est pourquoi les évêques ont adhéré aux restrictions imposées par le confinement. Mais ces limites ne se justifient plus dans les mêmes conditions, dès lors que des secteurs entiers de la vie sociale vont progressivement reprendre leurs droits. On peut donc légitimement espérer la révision d’une telle décision, comme le laisse entendre le communiqué du Conseil permanent : « C’est pourquoi les évêques souhaitent rencontrer les pouvoirs publics, nationaux ou locaux, pour préparer la reprise effective du culte ».

J’en profite pour remercier vivement les fidèles de notre diocèse pour leur patience, non seulement pour leur civisme exemplaire mais aussi pour leur fidélité à vivre leur vie chrétienne malgré la privation des sacrements. Je les remercie pour les multiples initiatives d’entraide qu’ils ont portées durant ce temps de restrictions et qui ont contribué à en alléger le poids dans la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens. Une gratitude particulière envers les membres de la Pastorale de la santé demeurés mobilisés au service des malades, des personnes âgées et des familles éprouvées, comme envers les permanents et bénévoles de nos associations caritatives qui ont continué de se rendre disponibles aux plus démunis, encore plus fragilisés en cette période. Je n’oublie pas les chefs d’établissement et les enseignants de nos établissements d’enseignement catholique pour le suivi pédagogique des élèves, à distance, souvent au prix d’une surcharge de travail, et pour l’accueil des enfants des soignants. Enfin, je remercie les prêtres et les agents pastoraux pour leur disponibilité et leur inventivité à donner aux fidèles les moyens nécessaires à leur vie de foi.

+ Marc AILLET
Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron
29 avril 2020

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